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Mexique – La Praesita

LA FAMILLE GOMEZ SALINAS

Miguel Hinogoza Salinas, 35 ans 
Marfa de Jesus Gomez de Salinas, 28 ans 
Francisca Gomez de Salinas, 8 ans 
Humberto, 7 ans 
Carlos, 5 ans
Primo, 4 ans 
Adriana, 3 ans 
Marfa de Jesus, 1 an 

3 chevaux
1 cochon
3 chiens
1 chat
30 poules et poulets
1 dinde
1 pigeon
15 vaches

LA PRAESITA
Le 20 septembre, 1984

Miguel a oublié de fermer la porte

Les « ranchitos » du petit hameau de La Praesita sont dispersés dans le désert. Leurs murs de pierres ont absorbé la fraîcheur de la nuit et les maisons échappent pour quelque temps encore à la chaleur torride du soleil. 

6 heures. Miguel Hinogoza Salinas se glisse furtivement hors de sa maison pour se rendre au pâturage. Malgré toute ses précautions, son départ n’est pas passé inaperçu. Sa place encore toute chaude est prise d’assaut par deux petits qui se rendorment aussitôt blottis contre leur mère. Le coq s’égosille, les trente poules et poulets quittent leur arbre. Ils grattent partout à la recherche de quelques graines . Rien. Heureusement pour eux, Miguel a oublié de fermer la porte de la maison, la volaille s’y engouffre.« Roucoucoucou, roucoucou »,le pigeon est le premier réveillé par les visiteurs. Il s’envole de son perchoir et rejoint les affamés. Autour des lits, poules, poussins, dindons, chat et chiens réclament bruyamment leur pitance. Le vacarme ne semble pas troubler Maria, qui se lève sans leur prêter le moindre regard. Nonchalamment, elle prépare le biberon de bébé. Malheur ! La horde à poils et à plumes, furieuse de ce manque d’égards, redouble de piaillements et de cris. Du coup, Maria s’énerve, les flanque dehors à grands coups de pied et boucle la porte. 

7 heures. La maison de pierre est encore fraîche et les enfants restent blottis sous les couvertures. La journée d’école a été annulée. Les professeurs ont une réunion à la ville. Les deux aînés, qui ne sont rentrés en classe que la semaine dernière, sont mécontents. Les cinq enfants s’installent dans le même lit. Francisca et Humberto montrent aux plus petits les images de leurs nouveaux livres scolaires. Dans son lit à barreaux, le bébé tète son biberon et se rendort. Celle-ci, au moins, sera sage jusqu’à neuf heures .

Maria a lavé le maïs bouilli la veille et profite du calme des enfants pour aller au moulin. Elle en reviendra avec la pâte nécessaire à la confection des cent tortillas qui seront consommées dans la journée. Au retour, elle fait une halte dans l’une des quatre tiendas (épiceries) de La Praesita, tenue par sa belle-mère. Elle est sûre d’y retrouver Miguel. Il est allé chercher les vaches dans l’un des cinq bouts de terre qu’il possède, dispersés autour du hameau, les a ramenées au ranchito et a maintenant fini de les traire. Il attend que le déjeuner de Maria soit prêt en bavardant avec ses frères. Elle paie son morceau de saucisson, ramasse sa chaudière de pâte et repart à la maison. 

Elle branche son mixer au fil qui pend du plafond pour moudre le chili, condiment indispensable à un bon repas. Pour gagner du temps, elle fait cuire les premières tortillas et l’omelette sur le poêle à gaz. Le reste des tortillas, elle les fera cuire dans le four de pierre construit à même les murs de la cuisine.

 

9 heures. Les marmots passent à table sans se faire prier. Agée de trois ans, Adriana est la plus gourmande. Encore un peu de sauce pour terminer les tortillas et encore une tortilla pour terminer la sauce. Ils s’arrêtent quand les plats sont totalement vides. Même un chat n’y trouverait rien à laper. Dans son youpala, la petite Maria de Jesus fait le tour de la table et quémande à chacun une bouchée de tortillas au chili. Ici, les bébés connaissent le goût du piment bien avant de savoir marcher. Une soeur de Maria pointe son nez, attrape une tortilla et commence à faire la vaisselle. L’indolente Maria est toujours débordée et sa famille vient régulièrement à son secours. 

10 heures. C’est au tour de Miguel de venir se faire servir. Ensuite il emmène les trois chevaux paître. L’herbe qui pousse entre les cactus est rase, sèche et rare. Miguel en coupe quelques brassées qu’il apporte aux chevaux réfugiés à l’ombre des petits arbres du désert. Pendant ce temps, Maria allume le feu de bois dans la cheminée. Assise devant l’âtre, elle fait cuire la fournée de tortillas de la journée. Chiens et chat dorment à côté d’elle. Un moment de calme vite rompu, la marmaille, que  maison, se dispute. C’est encore Humberto qui sème la pagaille. Il est le grand spécialiste des bêtises en tout genre dès qu’il n’est pas surveillé. « Mi voy a ti pagar » Ue vais te donner une fessée), menace sa mère pour la énième fois. La mère de Maria vient aider sa fille. Elle trie les haricots et balaye la maison au rythme de la voix suave de Julio Iglesias. 

13 heures 30. C’est le branle-bas pour le principal repas de la journée : frijoles, pâtes aux tomates et courges. Miguel s’est vite découragé d’entretenir un potager. On lui avait pourtant dit que les légumes étaient un apport essentiel dans une alimentation saine. Mais les graines coûtent cher, la saison des pluies noie les récoltes et la saison sèche les brûle. Trop d’efforts pour peu de chose. On se contentera des courges et des avocats qui poussent à l’état sauvage. De nouveau, les enfants sont en bagarre. Sans même aller voir ce qui se passe dans la chambre, Maria crie de sa cuisine : « Humberto, mi voy a te pagar. » A trop tirer sur la corde, Humberto ne coupera pas à sa fessée quotidienne. 

15 heures 30. Maria a fait du fromage avec le lait du matin et maintenant elle entreprend sa lessive. Il faut la faire tous les jours. La poussière est omniprésente dans ce climat aride et s’incruste dans les vêtements. Dans la cour, Maria installe sa planche à laver dans une bassine en fer-blanc. A côté d’elle, sous le robinet d’eau toujours tiède, Adriana barbote dans une autre bassine. Primo et Carlos ont envie de se rafraîchir et la rejoignent. Il ne s’agit pas de se laver, mais de s’amuser en s’éclaboussant à qui mieux mieux. Une seule courageuse : Francisca. En ménagère accomplie, elle balaie les détritus que sa mère jette toujours devant l’entrée de la maison. Elle recommence l’opération trois fois par jour et, quand le tas d’ordures est assez important, elle l’enterre dans un coin de l’enclos. 

 

16 heures 30. Suivie de sa marmaille, Maria retourne chez sa belle-mère pour prendre un seau de figues de Barbarie. C’est son prétexte pour connaître la suite des aventures télévisées de « Guadeloupe. Les fans de l’héroïne du feuilleton sont nombreux et il n’y a plus de place dans la tienda. Sur le chemin du retour, Maria, suivie de sa couvée, s’arrête chez ses parents. Ces visites familiales sont quotidiennes. La chaleur et le travail de la terre aride épuisent rapidement l’énergie des paysans. On passe beaucoup de temps à s’asseoir et discuter. Criailleries et disputes. Humberto a encore sévi. Miguel qui revient, juste à ce moment, des champs, où il est allé reconduire les vaches, ne tergiverse pas comme Maria. Il passe aux actes et Humberto reçoit l’inévitable fessée. 18 heures. Laissant son fils en pleurs, Miguel se dirige vers la place Mariano Vasquez où les autres hommes du village, tenant leurs chevaux par la bride, sont en train de bavarder. Les plus vieux d’entre eux se souviennent de Mariano Vasquez, ce héros assassiné pour avoir combattu les grands propriétaires terriens. C’est grâce à lui qu’ici les petites gens sont devenues propriétaires et, chaque année, une fête célèbre sa mémoire. 

 

19 heures. L’air est enfin frais. Les moustiques sont revenus à Ia charge et les poules ont regagné leur arbre favori. Autour de la table, les enfants boivent un chocolat chaud avant d’aller dormir. Humberto et Francisca s’efforcent de chasser, de dessous les lits,. deux poulets récalcitrants. Les petits, encore excités, tentent de poursuivre leurs jeux mais, sitôt dans la chambre, ils s’écroulent de fatigue. Les mariachis* peuvent toujours s’égosiller à la radio, Maria retrouve ses rejetons endormis pèle-mêle. Elle transporte les garçons dans un lit et les filles dans un autre. Le pigeon, lui, se perche sur le cadre de son image pieuse favorite. Il a une affection particulière pour la Cène.

20 heures. Maria lave la vaisselle, fait cuire le maïs pour les tortillas du lendemain, prépare le biberon de la nuit et met à bouillir un grand chaudron d’eau pour stériliser l’eau de la consommation familiale. Près d’elle, installé sous la lumière crue de l’ampoule, Miguel recouvre de papier journal les livres d’école de ses enfants.   

Informations / pays

C’est une aventure, c’est un éveil est c’est humain

2017-05-20T21:14:23-04:00

Mexique – La Praesita

THE GOMEZ SALINAS FAMILY

Miguel Hinogoza Salinas, age 35 
Maria de Jesus GOmez de Salinas, 28 
Francisca Hinogoza Gomez de Salinas, 8 
Humherto, 7 
Carlos, 5 
Primo, 4 
Adriana, 3 
Maria del Jesus, 1 

3 horses
1 pig
3 dogs
1 cat
30 chickens
1 turkey
1 pigeon
15 cows

LA PRAESITA
September 20, 1984

Miguel a oublié de fermer la porte

The ranchitos of the tiny hamlet of La Praesita lie scattered on the scrubby desert plain. The stone walls have absorbed the coolness of the desert night, and the houses enclosed within enjoy temporary relief from the day’s blazing sun. 

6 heures.  In the yard of one ranchito some thirty hens and chicks leave their tree and begin scratching around for some grains of com. Finding nothing, they make their way to the house and discover the door, mistakenly left open by Miguel Hinogoza Salinas  when leaving for the fields. The chickens pour in. Irritated cooing noises indicate that the invaders have awakened the house’s pigeon which flies down from its perch and joins the hungry legion. Hens, chicks, turkeys, cat, and kittens surround the beds, noisily demanding their breakfast. Maria de Salinas pays no attention to the cacophony that has become her morning alarm clock. Nonchalantly she prepares her baby’s bottle. Furious at this lack of attention, the animals redouble their squawks and cries. Suddenly Maria’s patience is exhausted. She shoos them outside with energetic kicks and latches the door.

The gate of the ranchito faces Mariano Vasquez Square. The small hamlet’s elders remember the hero, whose fight against the landowners has enabled peasants like Miguel to own their own land today.

7:00. It is still cool in the stone house, and the children stay snug under the covers. School has been canceled because of a teachers’ meeting. This doesn’t particularly please the two older children who just started school last week. Francisca and Humberto amuse their younger brothers and sister by showing them pictures in their new school books. Their baby sister nurses on her bottle and immediately goes back to sleep.

Maria takes advantage of the children’s quiet to go to the mill. Every night Maria boils dry com. In the morning she rinses the kernels and takes them to the mill to be ground. In the course of the day Maria will make at least a hundred tortillas for her family.

On her way back from the mill, she stops at one of the four tiendas (small family stores), which is owned by her in-laws. Her husband, Miguel, is sure to be there. Up at dawn, he heads for the pasture and brings his cows back to the ranchito and milks them. Then he visits with his brothers until Maria has prepared breakfast. Maria buys a piece of sausage, picks up her pail of cornmeal, and returns home.

8:30. Surrounded by hungry children, Maria prepares breakfast at the table. Her sister Ana arrives and distracts the children for her. Maria is diligent but moves quite slowly and is consequently sometimes overwhelmed by work. Her family often come to her rescue. Now she plugs her mixer into the hanging light-bulb socket and grinds a batch of fresh chilis for salsa. To save time, she cooks the first batch of tortillas on the gas stove. The rest will be cooked in a traditional stone oven built in the kitchen wall.

9:00 The children take their places at the table without being asked. Three-year-old Adriana is the greediest. A bit more sauce to finish off the tortillas and then one more tortilla to finish off the sauce. In her infant walker, little Maria de Jesus wheels around the table begging a mouthful from everyone. Mexican babies are familiar with the taste of peppers long before they can walk.

10:00. Miguel has returned and eaten his breakfast and now he leads the three horses to graze under the trees on one of his five scattered pieces of land. The coarse, dry grass that grows among the huge cacti is sparse and hard to find. Miguel cuts it and takes it to his horses, who stand tethered in the shade of small desert trees.

Meanwhile Maria lights the wood fire in the stone oven. Seated in front of the hearth, she cooks the rest of the tortillas for the day, to the accompaniment of Julio Iglesias’ melodious voice over the radio. The dogs and the cat are asleep at her side. But her moment of tranquility is soon shattered. The heat of the day has driven the children inside and they are arguing loudly. As always, it’s seven-year-old Humberto who is the culprit. “You’re going to get it,” threatens his mother. A familiar refrain.

1:30. The whole family gathers for the main meal of the day: a stew of beans, tomatoes, and wild summer squash. The family garden does not yield much. “The seeds are expensive,” complains Miguel. “The rainy season drowns the vegetables; the dry season dries them up. Too much effort for too little result.” After lunch, eight-year-old Francisca helps her mother straighten up while the other children play. She is an accomplished housekeeper and sweeps up the garbage that her mother dumps outside the door. When her pile is big enough, she buries it in a comer of the yard.

3:30. Maria has made cheese from the morning milk and now, escaping the shrieking noise of her children, sets off to do the laundry. In this dry climate, the dust permeates everything, and the clothes must be washed every day. Maria sets up her tin tub and washboard by the tap in the yard. In another tub under the How of tepid water the baby splashes beside her. Primo and Carlos want to cool off, and when their mother leaves to hang the wash they jump into the vacant tub. Their “bath” for the day is more entertaining than cleansing.

 

3:30. Maria has made cheese from the morning milk and now, escaping the shrieking noise of her children, sets off to do the laundry. In this dry climate, the dust permeates everything, and the clothes must be washed every day. Maria sets up her tin tub and washboard by the tap in the yard. In another tub under the How of tepid water the baby splashes beside her. Primo and Carlos want to cool off, and when their mother leaves to hang the wash they jump into the vacant tub. Their “bath” for the day is more entertaining than cleansing.

5:30. Maria, followed by her brood, returns to her in-laws’ store for a bucket of prickly pears and to see the next installment of Guadalupe. This popular soap opera’s heroine has so many fans there is no more room in the store. On her way home Maria stops at her mother’s house. These family visits are daily occurrences. The heat and the harsh conditions of the land deplete people’s energy quickly, and much time is spent simply sitting around and exchanging small talk. The children are restless, and Humberto is once again on the warpath. Maria’s threats are ignored, but Miguel, just returned from taking the cows back to the fields, gives the boy his inevitable spanking.

 

6:00. Leaving his son sobbing in the yard, Miguel heads for Mariano Vasquez Square, where the men of the village congregate, holding their horses by their bridles. The oldest of them remembers the square’s hero, who was assassinated for having fought against the landowners. It was due to his efforts that the peasants came to own their own land, and every year there is a celebration in his memory.

7:00 The air has finally cooled down. The mosquitoes have reappeared, and the hens have settled down in their favorite tree. Around the table, the children drink hot chocolate before going to bed. Humberto and Francisca chase two recalcitrant chickens out from under the beds. The little ones are excited and continue to play, but once in their room they collapse. Maria finds them asleep in a heap. She tucks the boys into one bed and the girls in another. The pigeon perches on the frame of his favorite picture: the Lord’s Last Supper.

 

8:00. Maria washes the dishes, boils the com for tomorrow’s tortillas, makes up the night bottle for the baby, and puts a great cauldron of water on the stove to sterilize it for drinking. Miguel sits near her and makes book covers out of newspaper to protect his children’s school books. The mariachi band sing their hearts out on the radio while the two adults finish their labors under the harsh light of a single bulb.

It’s an adventure, it’s awakening, it’s human

2017-05-23T21:09:25-04:00
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